Mémoire rêvée d’Afriques
William Ropp
Celui dont les récits ont enluminé mon enfance à pour nom Louis Jacolliot et c’est en ligne maternelle directe mon trisaïeul.
Grand voyageur il fut tour à tour juge à Tahiti et président en Inde du tribunal de Chandernagor. Durant sa courte vie (Né en 1837 il mourut dont on ne sait quoi en 1890) il trouva cependant le temps d’écrire une cinquantaine d’ouvrages aussi érudits que disparates ; d’une version Indienne de la genèse traduite du sanscrit (à la suite de laquelle il écrivit « La bible dans l’Inde ou la vie de Lezeus Christina » ce qui lui vaudra de la part des autorités ecclésiastiques une cinglante mise à l’index) à de fantastiques ouvrages – mi romans mi récits de voyages – qui nous emmènent du continent Australien jusqu’aux jungles Africaines.
Pour l’enfant de 8 ans que j’étais alors des titres tels que « Le coureur des jungles » (1888) ou encore « L’Afrique Mystérieuse » (1877) à de quoi susciter sinon des vocations au moins l’envie de lecture. Ce qu’ils firent ; je dévorais ses ouvrages visionnant pour m’endormir des scènes empruntées au « Voyage au pays des singes » où il se décrivait le soir à la veillée autour du feu de camp où des chants lancinants annonçaient sa toute prochaine consommation pour le repas du soir… esprit touche à tout il avait assimilé nombre de dialectes locaux ce qui lui permit de promptement réagir, d’attraper son boy par le col et de lui administrer de son stick une méchante correction. Prouvant ainsi son ascendant il évita par là même d’agrémenter leurs estomacs.
Pour le gamin que j’étais alors ses récits ont eu une profonde résonnance et bien plus tard vint la vocation. C’est à l’âge de 40 ans que les graines disséminées dans ma mémoire ont commencé à germer. Me vint alors une irrépressible envie d’Afriques. Mon premier voyage eut pour destination le Pays Dogon au Mali.
Contrée pleine de mythes où les Tellems, êtres lilliputiens vivaient jusqu’au xve siècle accrochés entre ciel et terre dans des alvéoles troglodytes de la falaise pourpre de Bandiagara se protégeant ainsi des prédateurs alors nombreux. (actuellement les seuls qui demeurent sont les touristes pilleurs de trésors archéologiques) Puis vint le Sénégal et ses lutteurs dont la puissance mythique vient chambouler l’image du tirailleur Sénégalais et son béatifiant sourire « Banania » Enfin mon premier voyage en l’énigmatique Éthiopie ; Mosaïque extravagante de lumières et d’ombres protégée des invasions par des forteresses de montagnes.
J’y retournais à de nombreuses reprises.
Ce livre est l’expression de mon perpétuel ravissement au contact de mes frères humains.
Du profond respect que je ressens en présence de chacun d’eux… À ce jeune prêtre rencontré dans une église troglodyte du Tigré dont le regard empreint d’une douceur infinie me pénétrait tandis que mes yeux saturés de larmes tentaient désespérément d’imprimer son image afin qu’elle demeure à jamais vivante dans ce livre.
* Je tiens particulièrement à ce « s » à Afriques car tandis que les États Unis dont la culture du Nord au sud ne varie guère (si ce n’est par le goût du Hamburger) bénéficient eux de ce pluriel il est difficilement envisageable de ne pas l’appliquer à L’Afrique dont les disparités culturelles sont des évidences, des sables arides du Taoudeni aux nations arc-en-ciel de la République d’Afrique du Sud.